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Invariance dans les systèmes dynamiques

D’après les propos de Bruno Cessac

Très simplement un système dynamique reçoit des entrées e(t) qui évoluent avec le temps t et qui influent sur les variables de son état interne, c’est à dire les éléments de sa mémoire, s(t).
Si le temps est une suite d’instants au temps t = 1, 2, etc, on parle de système discret et on écrit :
s(t+1) = F(s(t), e(t))
la relation qui décrit comment évolue le système d’un instant à l’autre en fonction de ses entrées et de son état actuel. Dans le cas continu, en revanche, c’est la variation de s(t) qui sera une fonction des entrées et de son état.

Dans le cas général un tel système a une grande dimension, avec beaucoup de variables, donc a un comportement d’une très grande complexité : n’est ce pas finalement tous les systèmes physiques que l’on peut modéliser ainsi, y compris notre cerveau http://interstices.info/chaos-neurones ?

Comment décrire alors les propriétés d’un tel système, sans explicitement calculer tous les cas possibles (ce qui est juste impossible) ? Une très belle idée a alors émergé : au lieu de décrire ce qui change . . on va donner une description de ce qui ne change pas au cours de l’évolution un tel système.

Voulons-nous par exemple déterminer si un tel système ne vas pas « exploser » (plus précisément : que les valeurs de ces variables deviennent trop grandes) ? Voilà comment procéder : on suppose qu’au départ, pour t = 0, les valeurs de s(0) sont bien bornées. Puis on cherche à montrer que si c’est le cas pour une valeur à s(t) alors ce sera encore le cas pour une valeur à s(t + 1). En d’autres termes : on cherche à montrer que la propriété « les valeurs sont bornées » est invariante. Dans ce cas, c’est un raisonnement par récurrence http://fr.wikipedia.org/wiki/Raisonnement_par_récurrence qui implémente cette idée.

Cette démarche est fondamentale pour étudier des systèmes complexes, et il y a un cadre mathématique pour lequel elle est particulièrement bien aboutie. Supposons qu’en plus, ce système ne soit pas déterministe mais stochastique. Un système est déterministe si l’équation d’évolution ci-dessus est sans aléa, exacte. Si en revanche, il y a du bruit, c’est à dire qu’il faut raisonner en probabilité, car le résultat est incertain, alors le système est dit stochastique. Dans ce cas, sous certaines conditions de stabilité, on va caractériser ce qui est invariant à travers une mesure de probabilité invariante, qui reste stable au fil de la dynamique du système http://en.wikipedia.org/wiki/Invariant_measure. En clair, on ne cherche plus à donner la valeur de ce qui est invariant, mais plutôt les probabilités des différentes valeurs. Si le système est stable vis à vis de cette probabilité (on le dit alors ergodique), on a donc une description précise du comportement du système.

Dans ce contexte l’invariance est donc un levier pour l’étude de systèmes dynamiques complexes.

« Dans ce cas, c’est un raisonnement par récurrence http://fr.wikipedia.org/wiki/Raisonnement_par_récurrence qui implémente cette idée. »
l’idée d’invariance peut être aussi associée à des quantités conservés par l’évolution: énergie, quantité de mouvement, moment angulaire, … Le mouvement des planètes par exemple est caractérisé par de tels invariants (ou quasi invariants). Enfin, on peut aussi avoir des ensembles invariants. Si on démarre l’évolution sur un tel ensemble on y reste pour l’éternité. On peut aussi être « attiré » par un tel ensemble et y rester à jamais: on parle alors d’attracteur. Par exemple, si on on pousse une fois une balançoire et qu’on ne fait plus rien
celle-ci va se stabiliser sur sa position d’équilibre et ne plus bouger: l’attracteur est alors le point d’équilibre. Si on pousse périodiquement la balançoire avec la même force (en admettant que ce soit possible) on aura un mouvement périodique et l’attracteur sera l’ensemble des positions-vitesses prises par la balançoire au cours de ce mouvement périodique. Si on met à pousser la balançoire de façon désordonnée un peut avoir des mouvements plus compliqués, voire chaotiques. L’attracteur obtenu est appelé attracteur étrange:
voici quelques images d’attracteurs étranges:

attracteur étrange attracteur étrange attracteur étrange par Borborigm attracteur étrange

« Si le système est stable vis à vis de cette probabilité (on le dit alors ergodique), on a donc une description précise du comportement du système. » A noter que cette approche probabiliste s’applique aussi à des systèmes déterministes (sans bruit) et chaotiques

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